Un terrain neutre et un philanthrope passionné
A la veille de la Première Guerre mondiale, l’Europe est traversée par de fortes rivalités entre Grandes Puissances qui risquent de mettre à mal l’esprit international du concile voulu par Nernst.
Autrement dit, le concile doit se tenir dans un terrain neutre, et non pas à Berlin, Londres ou Paris, et dans la mesure du possible être organisé par une personne sensible aux sciences et neutre elle-aussi.
Par chance pour Nernst, celui-ci connait depuis une dizaine d’années une personnalité de cet acabit : l’industriel belge Ernest Solvay.
Philanthrope et chimiste, Ernest Solvay a fait fortune en découvrant un procédé révolutionnaire pour fabriquer du soude. Celui-ci n’hésite d’ailleurs pas à utiliser sa richesse pour soutenir la recherche, en fondant par exemple les Instituts de Physiologie (1893) et de Sociologie (1902). Passionné les sciences et conscient de la crise des théories classiques en physique, il fait un candidat idéal.
Solvay présente en plus l'avantage de compter parmi ses amis Robert Goldschmidt, un chimiste belge d'origine allemande qui s'avère être aussi l'assistant personnel de Nernst. Ni une ni deux, Nernst charge Goldschmidt de jouer les entremetteurs auprès de l'industriel belge.
Ces contacts aboutissent à une première rencontre entre Solvay et Nernst début juillet 1910, dans la maison de Robert Goldschmidt. Au lendemain de celle-ci, Nernst s'ouvre par écrit à Solvay à son idée de concile scientifique, avec une liste d'invités et une lettre d'invitation toute prête.
Solvay se laisse assez facilement convaincre par le projet, notamment parce qu’il aimerait profiter d’une telle réunion pour soumettre aux meilleurs physiciens de son temps ses propres idées sur nature de la matière et la gravitation. En août 1910, il donne son accord de principe au projet, qu'il confirmera au printemps 1911 par une réponse définitive.
Quant au lieu, la Belgique, pays d'origine de Solvay, neutre et à forte tradition internationaliste, semble tout indiquée. ↠